L'électrum

Didrachme carthaginois d'électrum du début IIIème siècle avant notre ère (Image : Edgar L. Owen)ELECTRUM (Autres noms : Or pâle, or blanc, or argental)
Vient du grec elektron qui signifie l'ambre, en raison de sa couleur jaune pâle.

L'électrum est un alliage naturel d'or (de 40% à 75%) et d'argent (de 25% à 60%) mais pouvait parfois contenir des traces d'autres métaux comme le cuivre. Il est de couleur jaune pâle ou jaunâtre blanc suivant la proportion d'argent. Actuellement, l'or blanc est un alliage d'or et d'argent, d'or et de nickel ou d'or et de palladium mais n'est plus utilisé pour la frappe de monnaies.


Origines, découvertes et premières utilisations

L'électrum était déjà mentionné dans l'Odyssée d'Homère, sachant que la guerre de Troie se déroula vers le XIIIe siècle av. JC. Le fleuve Pactole en Lydie [VOIR CARTE] était riche en électrum donc en or. C'est d'ailleurs de là que nous vient l'expression "Toucher le pactole". Selon une légende, Midas, un roi phrygien du début du VIIe siècle av. JC, avait obtenu de Dionysos le don de transformer en or tout ce qu'il touchait. Mais à table, les choses se gâtèrent. Pour s'en débarrasser, il se plongea dans les eaux du Pactole. Les rois de Lydie et notamment le célèbre Crésus (v. 561 - v. 546 av. JC), doivent leur formidable fortune à la richesse en or de ce fleuve.

Puisque nous parlons de Crésus, intéressons nous à sa "générosité". Il était très populaire aux yeux de ses voisins grecs car il fit de nombreuses et luxueuses offrandes (d'électrum !) aux temples de leurs principaux sanctuaires comme Delphes et Didyme. On lui attribue aussi la reconstruction du Temple d'Artémis à Ephèse (Ionie) [VOIR CARTE] dont les colonnes furent dorées. Un véritable bijou, ce qui lui valut d'être de faire partie des sept Merveilles du Monde... L'électrum, tout comme l'or, l'argent et le bronze, était utilisé pour la fabrique de bijoux pendant l'Antiquité.


Premières apparitions monétaires

VIIe siècle av. JC en Lydie

Les premières pièces de monnaies de notre histoire furent lydiennes et en électrum : des statères.
On doit ces premières pièces au roi Gygès (v. 685 - v. 652 av. JC), le fondateur de la dynastie des Mermnades dont Crésus fut le dernier représentant. C'est du moins ce qu'affirme l'historien grec Hérodote au Ve siècle av. JC.

Les premiers statères se présentaitent toujours de la même façon :

Image : the Fitzwilliam MuseumImage : the Fitzwilliam MuseumTrité lydien du roi Alyattes (étalon milésien), 1ère moitié du VIe siècle av. JC.
Avers : Protomé de lion à droite
Revers : Deux poinçons (incuse)
À l'avers, un protomé de lion ;au revers, une marque de poinçon.

Le lion était un symbole très utilisé pour les monnaies lydiennes et celles des citées voisines. Le lion était l'animal sacré de la ville de Sardes, représenté sur les pièces avec un gros nez poilu !


L'électrum et la numismatique

L'utilisation d'électrum au VIIe siècle av. JC dans le monde grec d'Asie Mineure pour le monnayage était courante pour deux raisons : un alliage d'or et d'argent donnait une meilleure dureté à la pièce mais surtout car le raffinage de l'or n'était pas développé à l'époque.

Le statère d'électrum de Lydie pouvait pesait entre 14 et 16 grammes. Pour vous donner une idée du pouvoir monétaire de cette pièce il y 2600 ans :
- Elle permettait d'acheter 168 grains de blé
- Elle représentait à elle seule le salaire mensuel d'un soldat !
Un des problèmes du statère d'électrum était son titre en or aléatoire dont la valeur dépendait. Il n'était donc guère très populaire des négociants de l'époque. Néanmoins il resta un symbole de la richesse de la Lydie, surtout pendant le règne de Crésus.

Le système monétaire lydien était sexagésimal :

Tristatère
Double statère
Trihémistatère
Statère
Hémistatère
Trité
Tétraté
Hecté
.
.
.
.
3
2
1,5
1
1/2
1/3
1/4
1/6
1/12
1/24
1/48
1/96

Image : the Fitzwilliam MuseumImage : the Fitzwilliam Museum
48ème de statère (aggrandi !) de Téos, milieu du VIe siècle av. JC.
Avers : Tête de griffon à droite ; Revers : incuse


L'hecté est très petit car il pesait seulement 2,5 grammes si bien que, pour éviter de la perdre, les Grecs la mettait dans leur bouche. En outre, cette pièce représentait un boeuf : c'est l'origine de l'expression "avoir un boeuf sur la langue". Le 96ème de statère pesait quant à lui moins de 0,1g !

Les cités grecques voisines ne tardèrent pas à copier les statères lydiens. Les diamètres et poids étaient proches mais les Grecs apposèrent leur propres emblèmes. C'est le cas par exemple de la Cité d'Ephèse, la fameuse cité où se dressait le Temple d'Artémis, qui fit représenter sur les siennes une abeille (le symbole de la cité) et un cerf (pour le culte voué à Artémis, déesse de la nature, la forêt et de la chasse). L'Île de Samos [VOIR CARTE] frappa aussi des pièces d'électrum. Non loin de Samos, la Cité grecque de Miletos (Milet aujourd'hui) s'inspira des pièces lydiennes en apposant elle aussi un lion sur ses pièces d'électrum ! On décrouvrit même des tristatères d'électrum à Cartage, frappés juste avant le début des Guerres Puniques.

Image : Compagnie Générale de Bourse

Pièce en électrum carthaginoise, vers -220
2ème Guerre Punique : -218 à -201

Image : Dave Surber

L'arrivée de pièces en or et en argent un siècle environ après la naissance de la première pièce de Gygès provoqua la mise à l'écart de l'or pâle. La fin de l'électrum est donc marquée par le développement du bimétallisme. Au VIe siècle av. JC, si la majorité des citées grecques d'Asie Mineure abandonne l'électrum, d'autres continuent malgré tout à l'utiliser : il ne sera plus qu'émis dans Phocée, Mytilène et Cyzique. Quant à Lesbos, elle l'utilisera jusqu'à la domination athénienne ! Au VIe siècle, la majorité des pièces sont encore des pièces d'électrum...

Hecté de Mytilène, Lesbos, 1ère moitié du Ve siècle av. JC
Avers : Protomé de lion rugissant à droite
Revers : Protomé de veau à droite (incuse)



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Mise à jour de cette page : 5 septembre 2006